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Le Comte de Vogüe
Le Comte Cérice de Vogüe (1732-1812)
La période de cette fin du XVIII° siècle voit se développer un esprit entrepreneurial très fort au sein de la noblesse.
Comme le souligne G.J. Michel ( Tome 2 'Verriers et Verreries en Franche-Comté au XVIII° s p.510) ' la noblesse, frappée par une épidémie entrepreneuriale sans précédent, multiplie les entreprises, se lance dans les activités les plus diverses et les plus imprévues '. Les mentalités changent et les nobles propriétaires fonciers ne se contentent plus de récupérer une rente annuelle de leur bois, mais investissent.
C'est le cas notamment du Comte de Vogüe qui investit dans une verrerie à Fours dans la Nièvre.
La famille de Vogüe tire son nom d'une localité sur le cours de l'Ardèche, à quelque distance au sud d'Aubenas.Dès avant la Révolution et à la suite d'alliances matrimoniales, la branche aînée des Vogüe avait quitté le Vivarais pour s'établir en Bourgogne, en Berry et dans le Nivernais.Les decendants actuels de la famille de Vogüe sont les propriétaires du magnifique Château de Vaux-le-Vicomte: http://www.vaux-le-vicomte.com )
Cerice-François-Melchior Comte de Vogüe (1732-1812) était lieutenant général des armées du roi.
Comme tous les nobles entreprenants de cette époque, il a investi massivement dans une verrerie à Fours et connait, du fait de ses différents voyages dans la région, la réputation de Melchior Schmid ' considéré en France comme l'un des maîtres-verriers les plus instruits et les plus expérimentés ! '
Le Comte, de son côté, désespère de ne pas pouvoir rentabiliser son entreprise et ' lassé de lutter en vain contre l'incapacité et l'incurie de ses commis pour donner à la verrerie de Sainte-Catherine un renom digne de ses sacrifices qu'il s'était imposés '( Sylvain Commeau, Fours; la verrerie de Ste Catherine, société Académique du Nivernais, 2° série T 19, 1916 pages).
Il a dû solliciter, à plusieurs reprises, Melchior Schmid: il veut le meilleur et le plus capable... et réussit à le convaincre de prendre la direction de son entreprise !
Mais Melchior, juriste avisé et directeur prudent, lui donne son accord avec certaines réserves; il exige une location de longue durée ( bail emphytéotique) pour ne pas nuire à ses intérêts à Boucard: 'il ne m'est pas possible, et ce serait une inconséquence de ma part, de prendre la verrerie de Ste Catherine pour moins de 36 ans. Parce que pour mettre en valeur Ste Catherine, je mettrai Boucard en non valeur. Je mettrai en non valeur ma propre chose. Il n'y a qu'une longue jouissance qui puisse compenser cela...' ( A.D. Côte d'Or, Fonds de Vogüe 3F247 lettre de Melchior au Comte de Vogüe non datée mais antérieure à 1790).
Le bail est consenti le 22 juillet 1790. Melchior s'active pendant presque trois ans à développer la verrerie de Ste Catherine et pour ce faire, abandonne celle d'Aubigny et délègue la direction de Boucard à François Piéton, neveu du fondateur de celle-ci.
Mme Rose-Villequey dans son ouvrage qui fait référence dans l'histoire du verre et des verriers ( 'Verre et Verriers de Lorraine au début des temps modernes' - Imprimerie Blalec, Nancy 1970) nous parle abondamment de cette période pendant laquelle Melchior Schmid prit en mains la verrerie de Fours et nous publions quelques extraits les plus significatifs ( p.39, 40 et 41 ):
' Intéressé dans l'exploitation, Schmid s'occupe activement de réorganiser, d'une façon méthodique, l'usine qu'il prend dans un état voisin du délabrement et qui était presque délaissé par son propriétaire à bout de ressources.
Il fait construire une forge au milieu de la cour de la verrerie, des caves voûtées sous la halle, et différents bâtiments nécessaires à l'exploitation.Pour déposer les matériaux utiles à son commerce, il fait construire un magasin à Port-Tareau sur la Loire( commune de St-Hilaire). Enfin, il sacrifie même ses intérêts propres pour se consacrer entièrement à ceux de la verrerie de Fours; c'est ainsi qu'il utilise une grande partie des fonds qu'il destinait aux établissements placés auparavant sous sa direction et, sans souci des pertes énormes qu'il va subir, il abandonne la verrerie d'Aubigny et loue celle de Boucard...
Outre ses talents et sa haute compétence, Melchior apportait dans le commerce une haute réputation de probité et de loyauté.
Ainsi la verrerie Sainte-Catherine prit-elle un essor rapide et mérité qui devait certainement récompenser les louables efforts de sa direction. Un grand nombre de ménages viennent s'installer à Fours où des ouvriers de tous métiers sont occupés, soit pour le service intérieur de l'usine: souffleurs, tiseurs, étendeurs, fondeurs, fournatistes, potiers, etc... soit pour le service extérieur : commis, bûcherons, bouviers, etc... la verrerie fait vivre alors près de mille individus.
En 1791, le comte de Vogüe émigre et passe en Angleterre d'où il s'occupe spécialement de sa verrerie.Différentes lettres adressées par M.Cario, négociant à Londres, à M.Schmid et Cie, à la verrerie Sainte-Catherine, par Nevers et Decize, France, montrent l'importance des commandes transmises par son intermédiaire...
C'est du verre fin que la verrerie Sainte-catherine expédiait en Angleterre et les premières commandes laissaient espérer de prochaines relations commerciales plus développées.
Cependant, le 20 juillet 1792, un violent orage occasionna dans l'usine des dégâts considérables. Une halle neuve, située au levant, près des bâtiments de la Direction, de ' 140 pieds de long sur 64 de large' est complétement renversée; les bois de construction sont entièrement brisés et inutilisables; une autre halle semblable, située au couchant, est fortement ébranlée, sa couverture est en partie enlevée; les toitures des séchoirs du levant et du midi sont également enlevées; deux fours situés dans la première halle, l'un pour le verre à vitre, l'autre pour le verre en table, sont mis hors d'usage...
Les pertes étaient énormes...le directeur de la verrerie ne peut alors tenir ses engagements, car la plupart des commandes ne peuvent être exécutées; néanmoins, ( Melchior) n'abandonne pas son entreprise et, avec un esprit d'abnégation admirable, il fait de nouveaux sacrifices: un des fours détruits est remonté et la grande halle abattue est rebâtie...
La verrerie reprend bientôt son activité, malgré le préjudice important que causa à Schmid l'émigration de de Vogüe qui laisse ainsi à sa charge de nouvelles dépenses imprévues...'
Mais hélas, la mort de Melchior Schmid à Fours le 29 frimaire an II ( 19 déc.1793) est régardée comme une perte considérable pour le verre en général ! ( Sylvain Commeau, Fours o.c. ).