Le tempérament ombrageux de Martin Schmid !
Le 19 janvier 1763, une altercation assez vive opposa Martin Schmid a Paul Horneck, haut-maire de la verrerie-Sophie.Le haut-maire avait l'ordre d'assembler les laboureurs de la localité pour fournir des chevaux pour la conduite de l'équipage du régisseur suisse de Diesbach, alors logé à Forbach.
Ce faisant le haut-maire se rendit chez Martin Schmid pour le convier à cette assemblée et lui demander de fournir des chevaux...
Martin s'emporta et répondit :
' qu'il n'avait rien à voir avec cette jeanfoutre d'assemblée et qu'il ne fournirait aucune bête, vu qu'il était exempt de toute corvée, que le comparant était un jenfoutre de maire, qui n'avait rien à lui ordonner, que seul le syndic comptait...'
Mais Martin Schmid n'en resta pas là... il poursuivit le maire jusqu'à la maison de Rombach pour le maltraiter, mais finalement n'en fit rien.
Suite à cet incident purement verbal, Martin Schmid fut condamné à 20 Frs d'amende pour avoir injurié un haut-maire, avec défense de récidiver, sous peine de plus grande sanction.
Martin Schmid est très chatouilleux concernant ses droits, il n'a pas craint de rappeler de manière assez rude au haut-maire les privilèges traditionnels des verriers, à savoir l'exemption de toute corvée.Il a conscience de son rang social, un peu en marge et au-dessus du commun des sujets de Sa Majesté et ne peut supporter d'être traité comme le commun des sujets ( ex: les laboureurs !).
Par ailleurs un autre épisode va illustrer l'esprit de caste propre aux verriers.
Cette nouvelle péripétie fait suite au départ d'un ami de Martin Schmid, co-propriétaire également de la verrerie, il s'agit de Gaspard Rombach.
Gaspard Rombach avait épousé Véronique Schmid, la soeur de Martin et laurent Schmid.Il n'avait aucune tradition verrière, puisqu'il exerçait auparavant la profession de ' barbier-chirurgien ', mais s'était joint à ses beaux-frères pour exercer leur profession.
Les années 1767 et 1768 furent des années noires pour ses affaires, avec des récoltes décevantes.Il s'endetta pour garantir la survie de ses trois enfants.
Le 3 décembre 1768, Nicolas Tribout, le sergent, le faisait assigner pour 38 quartes et 3 bichets de seigle qu'il devait. Il ne comparut pas et fut condamné par défaut.
Selon l'expert au tribunal, la la quarte de seigle valait alors 9 Livres de Lorraine et c'est donc 342 Livres que Gaspard Rombach devait à J.Nicolas Tribout.
Le 22 avril 1769 eut lieu une nouvelle audience au greffe du Comté de Forbach.Il s'avéra que Rombach était insolvable - il ne lui restait que sa quote-part dans la verrerie - mais comme celle-ci était un tout indivis, il fallait procéder à un partage entre les censitaires.
L'insolvabilité de Gaspard Rombach fut officiellement reconnue le 13 mai 1769 et la saisie réelle de ses biens décidée.
Quant au sergent Tribout, à l'origine de ce désastre, il lui arriva un curieux malheur - qui nous semble-t-il doit avoir un lien avec la faillite de Gaspard Rombach ?
L'embuscade dans les taillis du Habsterdick :
Le 29 mai 1772 sur la route de Forbach à Sarrebruck, le sergent Tribout fut la victime d'un véritable ' assassinat'.
Parmi les témoins, Jean Brockemer raconte que ce jour-là, il allait porter de la viande à Sarrebruck, quand, chemin faisant, il vit deux grenadiers de la garde de Mgr le Prince de nassau-Sarrebruck, leur sabre tiré du fourreau, tomber soudain l'un sur le sergent-forestier Tribout et l'autre sur J.Adam Bonjour et leur porter plusieurs coups de sabre à la tête. Les deux malheureux avaient pu s'en sortir... Tribout était tout ensanglanté et avait la moitié de ses cheveux coupés.
Quant aux deux grenadiers, ils avaient disparu !
Jean pierre Kuntz, le chirurgien de Forbach, qui examina Tribout, rédigea le rapport suivant:
' Après une exacte visite et examination fait sur son corps,nous y avons trouvé une plaie sur l'occipital, depuis les muscles coronales,de la longueur d'environ deux pouces, pénétrante jusqu'au crâne, tuméfié et inflammé, se trouvant une fièvre violente provenant d'altérations ou d'épouvantes...Ce que nous avons pansé et médicamenté sur-le-champ selon l'art et la coutume, et n'a pu être causé que par des outils de fer, acier ou autre de cette nature, et n'en peut être guéri qu'en trois semaines,nous réservant les quarante jours, vu la partie du corps blessé,sauf les accidents survenants...De tout quoy avons dressé procès-verbal...'
Une enquête fut menée, mais ne semble n'avoir rien donné ! Qui furent les vrais coupables ? Qui a pu commanditer cet assassinat en envoyant ces 'écorcheurs'...le dossier reste ouvert...mais il est difficile de ne pas rapprocher cet événement malheureux avec les déboires de Gaspard Rombach ? ( sources : ' La Verrerie Sophie et ses habitants de 1718 à 1848 ' de Raymond Engelbreit)
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