Nouvelles révélations sur l'origine des Schmid

Suite aux recherches récentes de M. Alexander Roth de Zurich voici le texte en intégralité de ses travaux  traduit en français par Jeanine Deman-Félix, petite fille de François Charles Schmitt de Moyeuvre-Grande.

Gänsbrunnen

A l’origine des familles de verriers Rubischung, Schmid et Engel                                                            

Il nous arrive fréquemment de lire des histoires de familles de verriers, aux traditions multiples, ayant transmis leur métier au cours des siècles. Mais nous ne savons toujours pas qui dans de telles familles apprit ce savoir-faire le premier. A la verrerie de Gänsbrunnen, dans le canton de Solothurn, il est possible d’observer le cas extraordinaire de fils de trois familles ayant débuté dans ce métier inconnu d’eux jusqu’alors.

 

Pour de nombreux chercheurs de familles de verriers, les Rubischung, Schmid et Engel de « Welschenrohr » sont un exemple type. Sans aucun doute, la verrerie n’était pas sur le territoire de Welschenrohr. C’est pourquoi nous ne définissons pas les verriers en fonction de la paroisse, comme il était d’usage à l’époque, mais bien d’après le village où se trouvait l’usine : Gänsbrunnen dans la prévôté de Falkenstein.

 

Dernier village dans la vallée, à l’arrière de la première chaîne du Jura, Gänsbrunnen était un village frontalier proche de la partie francophone de l’archevêché de Bâle, et portait comme second nom : St. Joseph.

 

Ce n’est qu’en 1720 que Gänsbrunnen fut séparé de la paroisse de Welschenrohr. Mis à part les fermes de montagne situées de 750 à 1000 mètres d’altitude, la commune ne compte plus aujourd’hui que quelques bâtiments : auberge, moulin, école, petite église datant de 1627 et presbytère.

A un kilomètre à l’ouest, se trouve la grande ferme Schafmatt sur les terres de laquelle s’installa une verrerie après 1560. Son fondateur, Simon Hug (vers 1530 – avant 1585) était originaire de la petite ville de Klus, à l’entrée de la vallée. L’art du verre y était florissant à la fin du Moyen-Age. En 1480, la Confrérie des verriers Ste Agathe employait 21 maîtres, en 1518, 4 fours étaient en service, mais après la Réforme se dessinait déjà la décadence, lorsque la demande de perles de chapelet en verre diminua sur le marché international.

 Schafmatt

On trouve encore, en 1562/63, dans le manuel du Conseil, le protocole du gouvernement de Solothurn, où figure Hans Hug, verrier dans la Balsthal. Il se peut que les verriers Simon et Wolfgang Hug se soient fixés à cette époque à Gänsbrunnen.

En tout cas, il y est question de Simon Glaser (Hug) en 1565 auquel en 1574, les autorités envoient une lettre d’octroi de concession (Lehnbrief).

Après la mort des deux frères Hug, vers 1585, le fils de Simon, Urs-Sauer (vers 1565-1628) hérita de la verrerie. Encore trop jeune pour diriger l’entreprise, Hans Rubischung la dirigea pour lui.

Trois verreries se succédèrent à Gänsbrunnen : la première à Schafmatt d’environ 1562 à 1603, une deuxième au même endroit 1615 à 1636 (Urs Hug et son fils Simon), et une troisième à Rüschgraben de 1636 à 1651 (Hans Jakob Böschung).

Mais il est certain que le gouvernement de Solothurn voyait les activités des verriers d’un mauvais œil, à cause de leur peu d’importance pour l’économie et surtout à cause des coupes à blanc faites en forêt. Régulièrement le fonctionnement de la verrerie se voyait ralenti, et la démolition ordonnée.

En 1603, la fabrication du verre fut interdite par mandat. Les verriers se retirèrent en Forêt Noire ou au-delà de la frontière à la Heutte (romande) où ils passèrent les années critiques « sans verrerie », de 1603 à 1615. En 1615, les Hug réussirent enfin à obtenir un nouveau fief. Mais, suite à l’accusation portée par Hans Böschung contre les Hug, de coupes d’arbres, interdites dans les forêts, la concession leur fut à nouveau retirée et Böschung en profita pour inaugurer, en 1636 à Rüschgraben, sa propre verrerie, dont plus tard Heinrich Enger devint le maître de fabrique.

 

De sources utiles et incomplètes 

Le présent travail trouve son origine en tant que secondaire aux longues recherches sur la nombreuse famille d’artisans métallurgistes Rubischung, Robichon (ainsi qu’une douzaine d’autres variantes de noms) dans des usines métallurgiques suisses, françaises, allemandes et canadiennes. Leur histoire extraordinaire par plusieurs aspects, devrait être publiée l’année prochaine. La branche des verriers comptant environ 320 personnes, y trouve une place appropriée (ainsi que toutes les autres sources ne figurant pas dans ce texte ci).

 

A l’origine de la famille, on trouve Jakob Robischon, actif à Thal (Solothurn) depuis 1555. L’un de ses quatre fils ne reprit pas le métier du fer, Hans devint verrier et lui-même fondateur d’une branche internationale.Lors des recherches sur le domicile de Hans Rubischung à la verrerie de Gänsbrunnen, on découvrit dans les archives d’état de Solothurn qu’une polémique datant des années 1827/29 permit de préciser l’histoire des origines du travail du verre à Solothurn, ainsi que les noms de famille des premiers verriers Schmid et Engel.

Le document imprimé porte un titre désuet et tout en longueur : «  Sentence de l’honorable tribunal de Balsthal du 4 avril 1827 » etc…en bref : « Procès sur les conflits forestiers à Gänsbrunnen », qui résume les disputes que se livrèrent des années durant, les forestiers de Gänbrunnen à propos de la frontière entre les fermes du Schafmatt et la forêt d’état.                                                                                                                                                                                    

Pour juger ce conflit au tribunal du canton, des fonctionnaires recherchèrent à partir de vieux documents les rapports de propriété de toutes les fermes de montagne. Ainsi prit forme une sorte de cadastre communal à partir du 16me siècle, reprenant les noms des propriétaires fermiers. Cette description s’avéra être une chance pour la recherche sur la verrerie.

C’est ainsi que l’on peut lire comment Simon Hug acquit après 1560 le terrain de la corporation des tanneurs de Solothurn, l’actuel Untere Schafmatt, et en 1582 son frère Wolfgang acquit le terrain voisin Surinenberg, l’actuel Obere Schafmatt. En fait, pense-t-on, avec la « Sentence » de 1827 qui décrit les rapports de propriété au 16me et 17me siècle, ainsi qu’avec le registre paroissial de Welschenrohr de 1597, on dispose de deux sources qui devraient se compléter idéalement pour les recherches détaillées sur la verrerie et ses habitants.

 

Malheureusement, ce ne fut qu’un rêve : du registre des baptêmes de 1597 à 1613, il ne reste plus qu’un fragment. Aux environs de 1600, pour l’importante paroisse, seuls 2 ou3 baptêmes par an étaient inscrits, parfois même aucun !

Ces lacunes touchent tout autant les Hug que les Rubischung, les Schmid et les Engel. Une deuxième lacune s’ajoute pour les baptêmes de 1648 à 1699. Le registre des mariages (1617-1627) et le registre des décès (1601-1608)(1611-1618)(1620-1627) présentent eux aussi des lacunes. Malgré ces manques et la bizarre absence de certains baptêmes d’enfants de verriers, alors que leurs parents figurent par douzaines dans les registres en tant que parrains, il fut néanmoins possible de reconstruire plus ou moins la liste des occupants de la verrerie des Hug.

 

Comment des fils de paysans devinrent verriers

 

Pour la première fois dans l’histoire des verriers de Solothurn il est possible de révéler quels travailleurs le maître Simon Hug employait. Probablement qu’au début il n’installa pas un grand four sur le modèle de ceux de la Forêt Noire. (« Méthode des verreries de la Forêt Noire »), comportant 10 ouvertures ou parts, comme il en utilisa plus tard en Suisse et les déplaça ensuite en Franche-Comté. Le verrier Thomas Sigwart émigré vers 1600 de St Blasien, aurait conçu un four à 7 ouvertures, comme il s’en trouva à partir de 1657 au Court-Chaluet voisin. (ceci étant confirmé par des fouilles archéologiques réalisées en 2003).

 

La recherche montre que Simon Hug n’attira pratiquement pas de verriers étrangers mais recrutait ses ouvriers dans les environs et les formait lui-même. L’interdiction d’embaucher des étrangers dans l’industrie du verre, inscrite en 1480 dans la règle de la Fraternité Ste Agathe de Klus, n’était apparemment plus d’application. Il est possible que Simon Hug, dans sa vallée isolée du Jura, ne chercha pas le contact avec d’autres verreries et qu’ainsi aucun échange de main-d’œuvre n’eut lieu. Le premier à apprendre la fabrication du verre fut Hans Rubischung en 1565. Après lui vinrent Simon, Melchior, Wolfgang et Peter Schmid, fils d’un paysan émigré du canton de Berne vers Gänsbrunnen.

 

 

 Il est probable que les jeunes Schmid commencèrent leur apprentissage entre 1580 (Simon) et 1590/95 (Peter). Le fils du maître Urs Hug rejoignit les Schmid au four. Après la mort de Simon Hug, jusqu’à la majorité de son fils, la verrerie fut dirigée par Hans Rubischung. Nommé maître de l’usine, il fut donc ainsi également maître d’apprentissage. Avant la fermeture d’une durée de douze ans de la verrerie (1603), Urs Enger de la ferme voisine Brisenmatt, débuta son apprentissage. Après 1615, ses frères Peter et Abraham le suivirent, tous également issus d’une famille émigrée de Berne. Seul Hans Rubischung n’était pas fils de paysan. Son père Jakob, fondeur et forgeron dirigeait des usines dans les villages Herbetswil et Erschwil en Solothurn.

 

 

Qu’est ce qui avait bien pu conduire Hans à ce métier si nouveau pour sa famille ? Il est évident que les travailleurs du fer et les verriers du Thal se connaissaient. Ils étaient concurrents pour l’abattage des arbres nécessaires à leurs feux.

En 1579, le manuel du Conseil évoque une tournée d’inspection commune dans les bois de l’adjoint du bailli Lisser avec le verrier Simon Hug et le maître fondeur Nikolaus Rubischung, frère de Hans.

Peut-être y eut-il un contact encore plus étroit lorsque Jakob Robischon exploita après 1565, pour une courte période, une fonderie à Gänsbrunnen ? Les Rubischung avaient besoin de chercher du travail ailleurs, car leurs petites forges ou fonderies n’arrivaient plus à nourrir plusieurs familles.

 

Ayant  quatre fils, le père a du connaître ce fait. Il engagea son deuxième fils Hans à devenir verrier lors du partage de l’héritage en 1577 ;lorsque ses frères reprirent les usines de Erschwil et Herbetswil, il se trouvait déjà depuis longtemps au four à verre. Lors de l’établissement d’une liste du personnel vers 1600, on compte dans la verrerie : Urs Hug, Hans Rubischung, Jakob Meyer et les 4 frères Schmid. Ce qui correspond aux 7 postes de travail au four.

S’y ajoutent pour une certaine période Thomas Sigwart, de St Blasien et Urs Enger comme apprenti. Jakob Meyer, marié à Magdalena Keiser, est mentionné comme « Verrier des Hütten » de 1598 à 1599, et en 1618 (date de sa mort). Il n’était pas issu de Thal. De sa descendance nous trouvons en 1626 Gänsbrunnen, «  Georg Meyer héritier du verrier décédé » et de 1637 à 1641 Salomon Meyer à la Hütte de Rüschgraben (2 baptêmes à Oberdorf). En 1649 nous trouvons Salomon Meyer à la verrerie Glaserberg à Raedersdorf en Sundgau, fondée par les Hug. De son côté, Raedersdorf se trouve à l’origine de la grande extension de la famille de verriers de Solothurn, Hug, en France et en Allemagne.

 

Un Schmid de Berne arrive à Schafmatt

Hans Schmid et Melchior Bürkli, paysans du canton de Berne, acquirent ensemble en 1560, la ferme la plus éloignée à Gänsbrunnen. Dans le manuel du Conseil de 1561 nous apprenons qu’un acte de vente aurait été effectué, la même année, pour des raisons inconnues : Bürkli et Schmid revendaient la ferme. Par un document de 1573, nous savons où la famille Schmid vécut ensuite ; Hans Schmid avait acquis après 1560 trois biens : la ferme de Subigerberg, un terrain attenant près de Kohlbachgraben, et plus loin dans la vallée une moitié de Surinenberg, appelé par la suite Obere Schafmatt.

Schmid et Bürkli mentionnés en 1560

Il n’existe pas d’acte de vente, mais en 1573, les biens sont décrits dans une lettre de créance, une hypothèque. Le dimanche des Rameaux 1573, Hans Schmid de Schafmatt a contracté, pour l’exprimer en langage moderne, un emprunt auprès de l’Aumônerie grand-bourgeoise de Solothurn.

Il mit en gage la maison et la ferme de Schafmatt, ainsi que 120 arpents de champs, prés et bois dans le Göllwald (Subigerberg). Le domaine n’était engagé vis-à-vis de Urs Rudolf, bailli à Falkenstein, que pour un montant de 200 livres. Pour l’hypothèque de 500 couronnes, il fallait payer 25 couronnes d’intérêt annuel. E lle était résiliable à trois mois. Schmid revendit le Subigerberg en 1575.

 

Il exploita la ferme Obere Schafmatt et c’est là que les Schmid devinrent les voisins immédiats des verriers Hug, à la Untere Schafmatt. Schmid et Bürkli n’étaient pas venus librement de la région réformée de Berne dans la vallée du Jura catholique. Ils étaient tous deux baptistes et donc, non autorisés à rester vivre dans leur patrie.

Melchior Bürkli était originaire de Eggiwil dans l’Emmental, Hans Schmid, lui, du village paysan de Brenzikofen, à 18 kilomètres de la petite ville de Thun. Leurs fermes faisaient partie des lointaines paroisses de Signau et Oberdiesbach. Schmid doit avoir opté pour le Jura de Solothurn alors qu’il était un jeune marié paysan. Nous connaissons le nom de son épouse, Müller, cité dans la lettre de créance de 1573 qui nomme comme garant le beau-frère de Schmid, Benedikt Müller.Hans Schmid doit son surnom, cité fréquemment (le cordonnier),) à son activité secondaire.

 

L’entrée dans le travail de verrier

 

Hans Schmid est cité en 1582 comme décédé. Comme son coréligionnaire Melchior Bürkli, mort en 1585, il n’atteignit que l’âge de 50 ans. Repartir à zéro pour les deux paysans bernois dans le rude Jura a du miner leurs forces.

A la mort de leur père, tous les enfants Schmid étaient mineurs. Comme la veuve seule était en incapacité juridique, suivant le droit de l’époque, on lui adjoignit un tuteur jusqu’à la majorité du fils ainé. Celui-ci vendit, également suivant l’usage de l’époque, tous les biens et géra l’héritage jusqu’à la majorité des enfants.

 

C’est ainsi que le Obere Schafmatt échut en 1582 au verrier Wolfgang Hug (en 1585 à son beau-fils Jakob Alleman). Désormais, les Schmid vécurent dans une petite maison, à côté de la verrerie. Il est possible que le maître verrier Simon Hug (ou son frère Wolfgang) ait été désigné comme tuteur des orphelins Schmid.

Il est intéressant de remarquer que deux des fils Schmid Simon et Wolfgang portent les mêmes prénoms que Simon et Wolfgang Hug. Le second fils, Melchior, porterait le même prénom que le baptiste Melchior Bürkli, exploitant la ferme attenante de Brisenmatt. Les Hug, Rubischung, Schmid, Bürkli et plus tard les Eger, tous nouveaux venus à Gänsbrunnen devaient être très proches, en tant que voisins dans une vallée peu habitée.

 

Une lettre de créance de 1573 témoigne de ces rapports d’amitié :  après le titulaire de la créance, « Hans Schmid de la ferme Schafmatt » suit comme premier garant « Simon Hug, maître verrier ». Les relations étroites qu’entretenaient les Schmid avec les Hug et leur verrerie, firent en sorte que en grandissant, les frères Simon, Melchior, Wolfgang et Peter Schmid sans le soutien d’une ferme comme base d’héritage, apprirent l’un après l’autre le travoail de verrier. Dans Gänsbrunnen, ne comportant que des fermes, les garçons ne pouvaient faire un autre ou meilleur choix.

 

D’autre part, ils étaient les bienvenus comme travailleurs au four à verre. Ils étaient depuis longtemps familiers de tout ce qui se passait à la verrerie. Leur évolution ultérieure montre qu’ils apprirent le métier à fond. Leur chemin les conduisit en Forêt Noire : Peter et Wolfgang Schmid obtinrent en 1622 de l’abbaye St Blasien la concession d’une nouvelle verrerie, une expansion rapide qui se poursuivit brillamment par de nombreuses fondations de verreries des Schmid en Allemagne et en France. Les quatre frères Schmid sont cités dans le registre de l’église de St Blasien : Simon (1607), Melchior (1616), Wolfgang (1622) et Peter (1625). Leurs fils portent généralement la notice de leur lieu d’origine : « de Solothurn » ou « Welschenrohr ».

                                                                                                                                                                                      

La filiation plus qu’une hypothèse

 

Pour affirmer le lien entre les verriers Schmid et le fermier Hans Schmid, il manque encore un document écrit qui relie le père et les fils. Des événements à Gänsbrunnen découlent des points de repère, qui font apparaître leur filiation comme certaine.

 

D’autre part, les recherches sur la famille Schmid  n’ont mené à aucune autre origine. L’argument décisif en faveur de la filiation réside dans deux mentions inscrites dans le Manuel du Conseil, lesquelles citent aussi bien le père Hans que le fils Peter Schmid en tant que citoyens de Solothurn.

En 1560, Schultheiss et le Conseil de Solothurn firent savoir au bailli de Falkenstein qu’ils avaient accepté comme « Ausbürger », contre payement de 5 livres chacun, Hans Schmid de Diesbach (sa paroisse) et Melchior Bürklin de Meggenwyl (Eggiwil) qui avaient acheté la ferme de Gänsbrunnen. Les « Ausburger » étaient à l’origine des personnes vivant à l’extérieur du canton, et qui avaient obtenu la qualité de bourgeois de la ville.

 

Au milieu du 16me siècle, ce concept était dépassé mais apparemment à Solothurn on y tenait encore, même quand les gens vivaient dans le canton même. En échange de la protection que leur offrait Solothurn, les «Ausburger » devaient payer une somme d’argent annuelle, somme qu’apparemment les Schmid payaient régulièrement, pour ne pas perdre leur statut de bourgeois citoyen. A ce sujet, nous apprenons par un conflit, en 1622, inscrit dans le manuel du Conseil, que Peter Schmid, lors de la vente de sa ferme, aurait gardé pour lui un alpage sur lequel il aurait eu l’intention de transférer la « maison près de la verrerie ».

 

La commune de Welschenrohr le lui interdisit. Solothurn intervint : Peter Schmid était autorisé à ériger la maison car il avait toujours « rempli ses devoirs d’Ausburger ». Hans et Peter Schmid étant tous deux « Ausburger » de Solothurn, ils étaient sans aucun doute apparentés. Dans la commune de Welschenrohr il n’y avait en effet aucun autre Schmid. Dans les environs,les manuels du Conseil ne citent que trois de ces noms, tous sans aucun rapport avec les verriers. Le transfert d’une maison était à l’époque monnaie courante. Par le conflit, nous apprenons également que les Schmid, après la mort du père Hans, habitèrent dans une simple maison de bois, à côté de la verrerie, celle-là même que Peter Schmid voulait déplacer sur son alpage faisant partie de la ferme de la famille Strohbach.

 

 

Comment les Schmid arrivèrent à St Blasien

 

Le responsable du départ des fils Schmid pour la verrerie de St Blasien fut incontestablement Thomas Sigwart,( vers 1570 – après 1620) descendant d’une célèbre famille de verriers. Il était l’un des fils de Debus (Matthäus) Sigwart de Steinbach dans le Wurtemberg, qui avec d’autres verriers avaient en 1597 conclu avec l’Abbé de St Blasien, un contrat d’exploitation pour une verrerie. Mentionné là, en 1599, comme astreint au service militaire, Thomas Sigwart arriva peu après à la verrerie de Schafmatt. Ensuite, il épouse Barbara Strohbach, l’héritière des biens de Strohbach, situés à proximité du centre du village. Dès 1601, Sigwart vendit à Peter Schmid, maison et ferme, le tout entouré d’une clôture.

 

 

Il est probable que la fermeture de la verrerie ordonnée en 1593 et d’application définitive en 1603, a du être l’élément déclencheur pour son retour à St Blasien. En 1606/1610, on le trouve avec son épouse Barbara Strohbach, mentionnés « de la verrerie » et parents d’enfants dans le tout nouveau registre de baptêmes de St Blasien. En 1611, il procéda, avec son frère Johan Sigwart et Georg Raspiller de Hall au Tyrol, à la fondation de la Verrerie de Grünwald près de Gündelwangen. De nombreux autres verriers de Schafmatt émigrèrent à St Blasien avec Sigwart. Les premiers furent sans doute les célibataires Simon et Melchior Schmid ; leurs frères Wolfgang et Peter, tous deux mariés à des filles de la région, et établis au village ne les suivirent respectivement qu’en 1612 et 1622. Quelques uns parmi les Rubischung prirent eux aussi la route de la Forêt Noire.

 

Dans le registre de baptêmes de St Blasien on trouve en 1612 Georg Siegel et Margaretha Rubischung et en 1625, leur frère Jakob Rubischung, marié à Anna Wehrle, lequel fonda une branche propre de verriers Rubischung en Forêt Noire. De Gänsbrunnen arrivèrent aussi à la nouvelle verrerie Peter Dürschmid  et Elisabeth Stähli. Les baptêmes de leurs enfants sont inscrits en 1617 à Welschenrohr, et en 1619/1627 à St Blasien.

Le plus jeune des Schmid avait essayé en vain de redonner vie au travail du verre dans la région de Thal. Peter Schmid (aussi appelé Peter le verrier) semble avoir possédé assez de capital pour adresser au conseil de Solothurn une demande d’édification d’une nouvelle verrerie. Elle aurait du être installée sur une hauteur appelée Hinteren Riederweid ob Herbestwil. Après une réponse négative (1613), et un recours sans succès (1614), Peter vendit en 1618 sa ferme à Wolfgang Alleman. Mais ce n’est qu’en 1622 qu’il suivit ses frères en Forêt Noire. Les circonstances sont dignes d’un chapitre spécial.