La noblesse du verre

la noblesse

 

Le problème de la noblesse est un sujet longuement débattu notamment en France et en Lorraine et également pour les maîtres-verriers provenant des contrées étrangères (Forêt-Noire et Suisse).

Selon Savary des Bruslons, Dictionnaire international du commerce; t.III.p 1189:

"Il n'y a en France que des Gentilshommes qui puissent souffler et fabriquer le verre; bien loin que ce travail attire la dérogeance, c'est une espèce de titre de Noblesse, et l'on peut même y être reçû sans en faire preuve".

F.Le Thierriat est plus nuancé, "Trois traictez de la noblesse" Paris(Bruneau), 1606, P 85-87: si le métier de verrier n'entraîne pas la dérogeance, le travail ne rend pas noble pour autant  "ils ne sont pas nobles pour être verriers".

1) Situation en France et en Lorraine :

- Au XIV° siècle et pendant la première moitié du XV° siècle, pour stimuler cette industrie belle et coûteuse, la tradition veut que Philippe le Bel soit le premier à accorder des privilèges aux verriers de Champagne.

- En 1330, Philippe de Caqueray, écuyer, sieur de Saint-Imes, obtint du roi Philippe VI de reprendre à son compte une verrerie royale sise au lieu-dit "La Fontaine-du-Houx" en forêt de Lyons.Lui et trois autres familles qui lui étaient associées, eurent le privilège exclusif (que le roi leur conféra) de la fabrication du verre plat en Normandie.

- Sous le règne de Charles VI, des verriers poitevins accédèrent à la noblesse et partagèrent ses privilèges.

- Mais c'est Jean de Calabre, duc de Lorraine, qui, au XV° siècle ira le plus loin dans la reconnaissance de la noblesse...il accorda aux verriers le titre de chevalier, alors qu'ils n'avaient eu droit jusqu'à celui d'écuyer.Ainsi ils se virent exemptés de "taille, aydes, subsides, ost...c'est-à-dire d'impôts de guerre, de logement militaire, de service militaire et de réquisition".Ils avaient droit de porter l'épée et le chapeau brodé: ils pouvaient aussi chasser et pêcher. Jusqu'à François I°, les souverains confirmèrent ces avantages.

En réalité, cette nouvelle caste de "nobles" qui travaillaient de ses mains et faisaient du commerce était méprisée par la noblesse ancienne.

- Dès le XVI° siècle, les verriers français se mirent à fabriquer un verre abordable pour tous. Les gentilshommes verriers devinrent moins prestigieux et l'aristocratie refusa de siéger à leurs côtés dans les assemblées de nobles.

- En 1603, Henri IV, revenant à un statut antérieur, affirma que "la profession de verrier ne suppose pas la noblesse mais elle n'y déroge point".

Dès lors les avantages accordés aux verriers, et notamment à ceux venus d'Altare, furent principalement d'ordre économique, et destinés à encourager la création d'ateliers afin de combattre le monopole des Vénitiens...

- En 1789, les noms de ces gentilshommes verriers n'ont pas été relevés dans la liste des électeurs convoqués aux assemblées de la noblesse !

2) La situation des verriers de Forêt-Noire et de Suisse :

Ces familles verrières sont normalement roturières et le fait de travailler le verre ne leur confère aucun statut particulier.

Mais le fait que ces familles verrières s'installent en France va les conduire à adopter une attitude entraînant parfois une certaine confusion.

Ainsi à la Caborde, si les maîtres-verriers n'ont pas de titre, ils sont enterrés - comme des nobles- dans l'église de Fessevillers (voir Melchior Schmid, sa femme Cunégonde Leyen, Georges et Jean Raspiller).

Sur les registres paroissiaux à Rondchamp, ils ont droit au qualificatif d' "honestus" ou d' "honorabilis" ( Michel Schmid, Melchior Raspiller).

En 1735, J.François Raspiller est appelé "gentilhomme verrier" de même Ours Schmid et son fils Melchior Schmid de Boucard.Le bailli de Lure dans son rapport d'enquête en 1744 expliqua cela : "ils ont le droit de se qualifier de gentilhomme verrier à cause de la noblesse de l'art".

Mais c'est certainement Melchior Schmid de Boucard (voir la rubrique consacrée à la verrerie de Boucard) qui se montre le plus sensible au prestige nobiliaire, lui qui avait l'habitude de traiter d'égal à égal avec le marquis de Langeron ou le comte de Vogüe !

Son portrait le représentait portant l'habit des gentilshommes de l'époque. Il avait aussi ses propres armoiries qu'il a reproduites sur des cachets servant à marquer ses envois: le grand cachet timbré d'une couronne de Marquis, le petit cachet timbré d'une couronne de Comte.

Par ailleurs, le fait d'être également avocat en Parlement suffisait à entretenir la confusion... De plus au sein de sa famille, sa propre soeur Marie-Thérèse fera un riche mariage en épousant Jean-François-Gabriel Tisserand, seigneur de Servance.

Mais plus qu'une quelconque noblesse (qui n'est point reconnu pour ces verriers venant de l'étranger), c'est seulement le niveau social qu'ils entendent manifester. En se qualifiant de gentilhomme verrier, ils veulent marquer la différence par rapport autres artisans et travailleurs.

Par conséquent, si en France et en Lorraine, la question de la noblesse reste ouverte et contreversée, par contre pour les maîtres-verriers provenant de l'étranger (Forêt-Noire et Suisse notamment), la roture est de règle et ne souffre d'aucune contestation.

Le seul cas avéré d'anoblissement de maîtres-verriers étrangers concerne la famille de Melchior Schmid, de St Blaise en Forêt-Noire, qui avait été anoblie par l'empereur Charles VI en 1720 et qui a donné naissance aux  von Schmidsfeld.

 Mais en réalité cet anoblissement vient récompenser les services rendus par le directeur de la chancellerie auprès du prince-abbé de St. Blasien et non la qualité (même prestigieuse de sa famille) de maîtres verriers !

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