Conditions de vie et de travail

 

'En dehors de quelques rares cas où le maître de la verrerie a un statut de commis du seigneur, les verriers sont libres, dans la limite, bien sûr, des clauses du contrat signé avec le propriétaire de la forêt et face auquel ils apparaissent solidaires: c'est en effet, la communauté verrière qui est partie contractante et non chaque verrier séparément; c'est elle qui paie le cens, construit le four, salarie le personnel commun ( attiseurs, bûcherons, etc...). Mais à l'intérieur de la structure verrière chacun des huit ou dix copropriétaires, chacun était pratiquement indépendant, travaillait avec ses outils propres,rétribuait personnellement le personnel à son service, pouvait louer ou vendre - avec l'accord des autres - sa place, achetait les matières premières dont il avait besoin, assurait l'écoulement de sa production.

Chacun aussi bâtissait sa maison comme il l'entendait, suivant habituellement les usages locaux, ainsi que les bâtiments annexes. Ils échappaient aux contraintes qui pesaient généralement sur les autres sujets, milice ( Landwehr) notamment.Mais ils devaient la dîme comme tout paroissien.A l'expiration du bail, tout - bâtiments de verrerie, maisons, terres cultivées, pâturages - revenait au propriétaire, sauf quelques rares exceptions.

Ils bénéficiaient d'une totale liberté de déplacement, ce qui explique la facilité avec laquelle ils pouvaient, à l'inverse des mainmortables, passer d'une seigneurie à l'autre, et émigrer : leur patrie, c'était leur métier, non un territoire, à plus forte raison un domaine seigneurial.

Autour d'eux, dans le village verrier, outre les maisons communautaires où étaient logés les ouvriers communs et les verriers célibataires dont la résidence était souvent temporaire, s'implantaient peu à peu des commerçants, à commencer par l'inévitable aubergiste ( Wirt) qui jouait un rôle important dans la vie quotidienne, souvent le meunier, parfois un boucher, un boulanger, des artisans.Des marchands verriers aussi.

Qu'il s'agisse de mariage ou d'apprentissage du métier, on ne sort guère du cercle clos des famillers du verre. C'est le père ou l'oncle, maître verrier, qui forme le fils ou le neveu en le prenant comme apprenti durant quatre ans et lui donne un salaire,mince, mais croissant.Devenu compagnon, le jeune homme entame un tour des verreries de la région, rarement hors de la Forêt-Noire. Il peut accéder à la maîtrise en présentant un chef-d'oeuvre et faute de moyens pour acquérir un ouvreau,en rester à ce stade ou s'en aller avec d'autres établir une nouvelle verrerie.C'est souvent au cours de ses pérégrinations qu'il rencontre une fille de verrier, moins fréquemment de villageois autochtones, qu'il épouse.Si bien que, malgré une endogamie flagrante,les dispenses pour consanguinité sont très peu nombreuses.Il en va parfois de même pour les filles qui quittent le foyer paternel avec un ou plusieurs de leurs frères,travaillent avec eux dans un autre établissement verrier et y trouvent un mari; '

( extraits de l'ouvrage: ' Verriers et verreries en Franche-Comté au XVIII° siècle de G.J. Michel T1 p43-44 )