Dans l'ombre de Martin Gerbert

Melchior Von Schmidsfeld et son fils, le moine bénédictin Hugo, vécurent à l'abbaye de St. Blaise au contact du prince-abbé Martin Gerbert, un érudit de son temps.

C'est surtout Hugo von Schmidsfeld qui connut le mieux ce prélat exceptionnel.Sous sa direction il put bénéficier de ses conseils et connaissances pour l'organisation de la bibliothèque selon le modèle des Mauristes. Ils eurent en commun l'attrait pour les recherches historiques et théologiques.

Voici une présentation de la vie et de l'oeuvre de l'un des esprits les plus éclairés et les plus intelligents de son époque: Martin Gerbert !

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L'Abbé Martin Gerbert (plus précisément Martin Gerbert de Hornau), né le 12 août 1720 à Horb sur Neckar, fut un historien de la Musique et un représentant éminent de la communauté érudite des Bénédictins de Forêt Noire au début des temps modernes.

 

Issu de la petite noblesse des Hornau, Gerbert commence ses  études à Fribourg en Brisgau. En 1736 il devient moine au monastère de St. Blaise où il enseigne la théologie. Il voyage en Allemagne, France et Italie et rassemble de la documentation sur l'histoire de la liturgie et de la musique du Moyen-Age. 

  

Le 15 octobre 1764, il est intronisé  prince-abbé de St. Blaise. Sous sa direction, St. Blaise devient un centre important  de recherches méthodiques en histoire.

   

En collaboration avec l’abbé de l’abbaye voisine de St. Peter, Jacob Philippe Steyrer (1715-1795), Martin Gerbert adopte les nouvelles méthodes de recherches historiques des Mauristes. Tous les deux  obtiennent pour leurs bibliothèques les écrits des Mauristes et des Bollandistes(1).

 

Les écrits de Martin Gerbert étaient et sont toujours d'un intérêt particulier pour l'histoire locale. Il a notamment  publié la première histoire de la Forêt Noire (1783-1788). En outre c'est dans l'imprimerie du couvent que fut publiée la première carte précise de la Forêt Noire.

 

Gerbert mêne à son terme l'entreprise " Germanica Sacra", une description des  diocèses d'Allemagne.

 

Mais le prince-abbé imprime également sa marque personnelle dans les débats de son siècle lorsqu'il s'oppose au joséphisme (2) des nobles autrichiens.

 

Toutefois sa vraie passion reste la musique et celle-ci lui permet de faire la connaissance de Christophe Willibald Gluck (3) avec qui il devient ami.

 

Après l'incendie de 1768,  Gerbert fait ériger la célèbre coupole de St. Blaise qui devient la troisième coupole la plus haute d'Europe.

 

De par ses fonctions de professeur de philosophie et théologie à l’école abbatiale et de bibliothécaire au couvent, il a l’occasion d’élargir son horizon.

 

A la pointe du mouvement de la réforme bénédictine, il instaure en tant que « Supérieur de sa maison » une excellente discipline conventuelle.

 

Il s’investit intensivement dans l’adaptation des activités monacales aux exigences d’un monde en pleine évolution sans pour autant succomber à l’esprit moderniste.

 

Il s’intéresse en particulier à une réforme significative de la liturgie. Dans la mouvance de la sécularisation, il introduit les  textes de la congrégation française  de St. Vanne et St. Hydulphe dans le "Brevarium Monasticum" et le diffuse notamment à  l'abbaye de St. Paul à Lavanthal en Carinthie où il est utilisé jusqu’à nos jours.

  

Etant lui-même musicien-exécutant il se consacre avec passion à l’amélioration du chant d’église et donne une place prépondérante à la chorale.

  

Le transfert des ossements d’anciens membres de la Maison de Habsbourg depuis la Suisse protestante  vers St. Blaise nous montre également les liens étroits existant avec la famille impériale d’Autriche.

 

En tant que « Président de la Prélature des Etats Provinciaux autrichiens » il réside souvent à Vienne. 

 

Ainsi en juillet 1777, l’empereur Joseph II descend dans la capitale de l’Autriche antérieure (Fribourg) qui se trouve sur la route du retour de Paris, où il avait rendu visite à sa sœur, la reine française Marie-Antoinette et rencontre le prince-abbé qu’il connaissait déjà et dont il devait apprécier  l’intelligence. Martin Gerbert célébre une messe solennelle en l’honneur de Joseph II dans la cathédrale de Fribourg en tant que président du corps des prélats et ainsi en tant que prélat au rang le plus élevé en Autriche antérieure.

 

Dans les environs immédiats du couvent et en tant que « Souverain » éclairé de sa propre région (domaine impérial de Bonndorf), Martin Gerbert prend des mesures appropriées pour améliorer le bien-être et la culture en général (entre autres des fondations, hôpitaux, lieux de travail, caisse d’épargne et des orphelins, des décrets concernant diverses organisations, construction d’une brasserie d’abbaye avec une bière dénommée Rothaus, introduction d’une modeste industrie à domicile avec l’accent mis sur la fabrication de textiles, etc...).

 

En tant que « scientifique », il occupe une position dominante dans son couvent. Ses écrits théologiques, historiques et philosophiques sur l’histoire de la liturgie, la théorie et l’histoire de la musique restent en partie jusqu’à nos jours d’une valeur inestimable.

    
 

Lorsqu'il se charge de  l'administration de la bibliothèque du monastère, Gerbert entreprend des études sur l'histoire de l'Eglise. Il s'intéresse plus particulièrement à l'histoire du chant liturgique au Moyen-Age. C'est ainsi qu'il devient l'un des plus éminents historiens de la Musique des temps modernes.

 

Déjà en 1760, il collationnait  les écrits sur l'histoire et les théories musicales tirées des bibliothèques des monastères rassemblés au cours de ses voyages. Et c'est à Bologne qu'il se lia d'amitié avec le père Martini (4); tous deux partageant alors leurs vastes connaissances. 

 

C'est d'abord le récit de voyage " Iter Alemannicum…" qui fut publié.

  

Vinrent ensuite l'important ouvrage "De cantu…",  "Monumenta …" et pour finir les " Scriptores ecclesiastici…". Sa dernière œuvre - un très riche recueil en trois volumes traite des écrits théoriques sur la musique du III° siècle à la fin du Moyen-Age: elle fut d'un grand intérêt par la suite pour l'étude de l'histoire de la musique médiévale.

 

Sa nomination comme membre des sociétés littéraires et scientifiques de Mannheim, Metz, Berlin, Munich, Göttingen, Londres et Roveredo prouvent de quelle renommée il jouissait au sein du monde des savants.

 

Le 13 mai 1793 cette personnalité exceptionnelle du XVIII° s. ferma les yeux pour toujours. Sa dépouille mortelle reposa devant le maître-autel de sa fière église. Sa sépulture fut ouverte respectivement en 1911 et 1981 et malheureusement déplacée en 1983.

   

(sources: www.dom-st-blasien.de et les 900 ans de l'abbaye bénédictine de St. Paul à Lavanthal

www.uni-klu.ac.at/kultdoku/ )

traduction en français réalisée par Jeanine Deman-Félix, petite-fille de F.Charles Schmitt de Moyeuvre-Gde 

 

 Notes:

(1) Les Mauristes et Bollandistes:

 

- Les Mauristes, membres d'une congrégation religieuse née au XVIIe siècle et spécialisée dans l'étude des textes sacrés. La fondation de cette congrégation s'inscrivit dans le contexte de la Contre Réforme du début du XVIIe siècle. Rattachée à l'ordre bénédictin (saint Maur était un disciple de saint Benoît) et fille de l'abbaye de Saint-Vanne, laquelle avait été constituée dans l'esprit tridentin en 1604 en Lorraine, la congrégation de Saint-Maur en fut la branche française.

 

- La Société des Bollandistes est la plus ancienne société savante en activité en Belgique depuis sa création au temps des Pays-Bas espagnols. Dès le XVIIe siècle, le travail des Bollandistes fut réputé pour sa rigueur et son approche critique, qui par ailleurs engendra diverses controverses, notamment avec l'Ordre des Carmes. Établie à Anvers jusqu'à la fin de l'Ancien Régime, la Société des Bollandistes fut reconstituée à Bruxelles après l'indépendance belge. Elle a aujourd'hui son siège au Collège Saint-Michel, à Etterbeek (Bruxelles). Elle publie une revue, les Analecta Bollandiana (depuis 1882 - 125 numéros), et deux collections, les Subsidia Hagiographica et le Tabularium Hagiographicum. Au delà des aspects religieux, la richesse de la bibliothèque des Bollandistes, manuscrits, imprimés et gravures, en fait une source de recherches historique précieuse.

(2)Le joséphisme résulte de la volonté de l'empereur Joseph II de placer la religion sous le contrôle de l'Etat en rationalisant la pratique du culte et en sortant le clergé (et donc le peuple) de l'influence de Rome et des Jésuites.

 

 (3)Christophe Willibald Gluck est un compositeur allemand né à Erasbach le 2 juillet 1714 et mort à Vienne (Autriche) le 15 novembre 1787.Professeur de clavecin et de chant de Marie-Antoinette, future reine de France, il a changé le visage de l'opéra avec sa célèbre réforme, visant à introduire le naturel et la vérité dramatique, qui l'opposa aux piccinistes, défenseurs de l'opéra italien, sans jamais toutefois le brouiller avec qui que ce soit. Il reste l'un des compositeurs les plus importants de la période classique avec Joseph Haydn, Wolfgang Amadeus Mozart, Karl Ditters von Dittersdorf, Franz Krommer et Carl Philipp Emanuel Bach. (sources: wikipédia) 

(4)Giovanni Battista Martini nommé aussi Padre Martini (* 24 avril1706 á Bologne; † 3 août1784), était un compositeur et théoricien de la musique italien.Homme très cultivé, il était chanteur, claveciniste, violoniste, théologien, prêtre, mathématicien et philosophe. Doté d'un très bon caractère, il se lia d'amitié avec le pape Clément XIV, Frédéric-Guillaume II de Prusse... mais aussi avec Mozart jeune, qui l'estimera toute sa vie. Il a également fait la connaissance du compositeur bohémien Václav Pichl, maître de chapelle auprès de l'archiduc Ferdinand d'Este, gouverneur autrichien de la Lombardie.Parmi ses disciples: le célèbre violoniste italien Giovanni Battista Cirri.  

Ses relations lui firent parvenir de nombreux documents, à tel point que sa bibliothèque comptait 17 000 ouvrages.(sources: wikipédia) 

 Ses écrits: 

Iter Allemannicum, accedit Italicum et Gallicum, (1765)

De cantu et musica sacra, a prima ecclesiae aetate usque at praesens  tempus, (1774)

Monumenta veteris liturgiae Alemanicae, (1777-79)

          Scriptores ecclesiastici de musica sacra potissimum, (1784)