La guerre de la potasse

Pour comprendre cette ' guerre de la potasse', il y a lieu tout d'abord d'expliquer l'importance qu'elle représente pour la fabrication verre à cette époque avant d'aborder les différentes péripéties de l'événement lui-même:

1) L'importance de la potasse :

La seconde matière principale qui entre dans la composition du verre ( après le sable), ce sont les fondants.Ils servent à abaisser le point de fusion du mélange vitrifiable de 1500 à 1200 ° environ, température que pouvait atteindre le chauffage au bois; ils avaient aussi l'avantage d'allonger la durée pendant laquelle le verre restait visqueux, malléable.

En général les Verriers de l'époque favorisent comme fondant (potassique) le salin produit à partir de cendres végétales.

Comme en Allemagne ou en Suisse, ils utilisent ce que Basc d'Antic appelle ' le potasse rouge', c'est-à-dire ' le sel alcali fixe extrait par lixiviation et évaporation des cendres de tous les végétaux, excepté la plupart des plantes maritimes ' .Tous les végétaux forestiers, riches en carbonate de potassium étaient bons pour cet usage. Souvent la fougère avait été privilégiée, ce qui a donné son nom au ' verre de fougère' ( sources : ' Verres et verreries en Franche-Comté au XVIII° siècle de G.J. Michel)

2) L'historique du contentieux :

D'où l'importance pour les verriers installés à Verrerie Sophie de maîtriser et de contôler cet élément indispensable ( la potasse) à la bonne marche de leur activité.

Ainsi dès le 27 juin 1760, Martin Schmid, Gaspard Rombach et Philippe Schertzinger ont adressé une requête au Conseil Royal des Finances et du Commerce de Stanislas LESCSZYNSKI.

Il font état d'une concurrence déloyale de la part de leurs voisins étrangers:

' ils ont établi des particuliers qui enlèvent toutes les cendres dans les villages du Comté et de ses environs...sous prétexte qu'ils en auraient eu le droit, bien qu'ils soient des Sieurs de l'Empire...'

Ainsi ils demandaient qu'il soit interdit aux étrangers de faire le commerce des cendres dans les villages du Comté de Forbach, ainsi qu'à Folkling, Morsbach, Cocheren, Béning, Rosbruck, Gensbach et Emmmersweiler et que les contrevenants devaient être punis d'amendes et de la confiscation des cendres.

Le Roi de Lorraine, Stanislas leur donna raison et intetrdit donc aux étrangers :

' ... d'enlever des cendres à 5 lieues de distance du Comté de Forbach, à peine de 300 livres d'amende, de confiscation des cendres, chevaux et harnais...'

Mais une nouvelle requête en date du 19/01/1761 fut de nouveau adressée au Roi, car les verriers étrangers et les marchands'Liégeois' avaient trouvé un moyen de contourner l'interdiction royale, car au lieu de cendres, ils exportaient de la potasse:

' ...les sieurs lorrains lessivent maintenant les cendres qu'ils amassent, les convertissent en potasse et ensuite la vendent...affirmant qu'il ne leur était point défendu de transporter de la potasse, mais seulement les cendres...'

Cette pratique conduisait à faire grimper les prix, si bien que la potasse revenait deux fois plus cher aux verriers de Verrerie-Sophie, car au lieu de 16 livres le quintal, ils payaient parfois 32 livres.

Un nouvel arrêté du Roi Stanislas interdit aux gens du Baillage de vendre de la potasse aux étrangers.Mais les pratiques perdurent et les maîtres-verriers s'adressent une troisième fois au Conseil Royal des Finances et du Commerce pour obtenir gain de cause.

Le 24 septembre 1762, par ' Lettre Patente' du Roi de Lorraine Stanislas, les verriers de Forbach obtenaient l'exclusivité du marché de la potasse dans le Comté et les contrevenants risquaient les peines les plus sévères.

Cette péripétie appelée ' guerre de la potasse ' prouve à l'évidence que Martin Schmid ,à la tête des verriers ,n'est pas homme à se laisse faire et son insistance à faire prévaloir son bon droit a porté ses fruits. Cet épisode a conduit à lui donner une certaine notoriété dans la région, il est devenu un homme craint et respecté...mais parfois son tempérament ombrageux lui causa quelques soucis ! ( nous le verrons notamment dans la prochaine rubrique)

( sources : " La Verrerie Sophie et ses habitants de 1718 à 1848 " de Raymond Engelbreit)

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